La révocation
On sait que le statut des préfets n'existe pas et que ces hauts fonctionnaires, nommés par décret en Conseil des ministres, peuvent être révoqués de la même façon.
Les exemples de ces révocations sont assez nombreux et traduisent en général une volonté de régler des comptes ou de montrer sa force (le fait du prince).
Mon père était préfet de la Drôme en 1937 et fut révoqué, par retour de courrier, par le ministre de l'Intérieur du Maréchal PETAIN, en juillet 1940, pour avoir refusé de prêter serment au nouveau régime collaborateur de l'Etat français. Il entra dans la Résistance .
Signalons la très courageuse carte de soutien (photo) adressée par Camille PIC, Evêque de Valence le lendemain de la révocation alors que le nouvel Etat français commençait la chasse aux Résistants.
PECHEU, lui, fut fusillé à la Libération pour avoir notamment « choisit » les otages que les Allemands allaient exécuter, souvent des communistes...
Sous la Présidence du Général DE GAULLE, le préfet MASSOL fut révoqué quand l'adjudant ROBIN (attentat contre DE GAULLE) s'évada de l'île de Ré.
De même, en 1934 lors de l'attentat contre le roi Alexandre Ier de Yougoslavie (photo attentat de Marseille) tué ainsi que le Ministre français des Affaires étrangères Louis BARTHOU, le préfet fut révoqué. Signalons cependant l'attitude digne du Ministre de l'Intérieur qui, après avoir révoqué le préfet, apporta sa propre démission au Président du Conseil. Autres temps, autres mœurs, O tempora O mores disaient les Romains !
Plus récemment,
Le préfet de Haute Corse, Monsieur HURAND, ancien secrétaire général de la préfecture de Lille, fut révoqué après le drame de la tribune de Furiani qui s'était effondrée lors d''un match de football. Il s'est vu obligé d'assister au procès depuis le box des prévenus comme témoin !
Marie LAJUS, préfète d’Indre-et-Loire, a été démise de ses fonctions en décembre 2022. Mais plusieurs de ses soutiens dénoncent une « profonde injustice ». Elle avait autorisé une activité festive dans un massif forestier protégé et des élus avaient protesté directement auprès du ministre.... La préfète affirme simplement « pour avoir fait respecter le droit ».
La visite non officielle du Général de GAULLE
Mais, en dehors des attentats, il y a des moments pendant lesquels les décisions ne sont pas évidentes.
Pendant ma jeunesse (j'avais 12 ans), je me souviens de la visite du Général DE GAULLE à Lille.
Il venait de « remettre le train sur les rails» et de créer son parti politique. Il n'était qu'un général de brigade qui venait revoir sa maison familiale et rencontrer ses amis... Sauf qu'il était DE GAULLE, le sauveur de la France Libre ! Quels honneurs lui rendre, d'autant plus que son parti, le RPF, combattait le gouvernement en place auquel devait obéir le préfet ?
Le recevoir en Sauveur, en ancien Président de la République naissante, en Lillois ? Comment faire quand les forces de gauche (PS et PC) étaient elles aussi opposées au général ! Et mon père était socialiste, ancien chef de cabinet du Ministre de l'Intérieur Roger SALENGRO.
Le Préfet du Nord organisa une cérémonie aux Monuments aux morts, place Rihour à Lille (photo), puis un petit parcours Place de la République, service d'ordre réduit. La foule fut enthousiaste comme prévu. A cette époque, il n'y avait pas de CRS et de policiers en nombre suffisant. Une légère bousculade se produisit, enthousiasme populaire sincère. Après le petit parcours, le général repartait avec les siens, le préfet avait terminé son épreuve !
Il dit au revoir au général et lors de la poignée de main, le général, qui trouvait sans doute que la sympathique bousculade aurait du être évitée, adressa à mon père un sonore « Merci quand même ! ».
De nombreuses années plus tard, mon père se souvenait toujours de cette remarque vexante.
Ils ont passé Carvin !
Les inaugurations, les voyages officiels, les réunions internationales, etc.
Je me souviens aussi de la satisfaction qu'éprouvait mon père lorsque le cortège officiel ramenait les voitures chargées de ministres et de députés vers Paris (il n'y avait pas encore de TGV). Il disait : « ça y est, ils ont passé Carvin ! ». C'était donc à son collègue du Pas-de-Calais de prendre dorénavant en charge le cortège !
Georges LANQUETIN
Les angoisses d'un préfet










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