L'absinthe et Georges Elie LANQUETIN

Pontarlier était jusqu'en 1915 la capitale française de l'absinthe. "Fée verte", malédiction, remède, source de profit facile, elle fut tout cela en même temps. Ramenée d'Afrique par les troupes coloniales vers 1830, elle fut d'abord employée pour soulager les troubles intestinaux fréquents dans les pays chauds. D'abord remède, elle ressemblait à nos boisons anisées. Son goût agréable, sa facilité de culture même sous les rudes climats du Haut-Doubs transformèrent ce remède en une boisson apéritive. Cultivée d'abord en Suisse (dans le Val Travers voisin de Pontarlier) vers 1797 puis en France en 1805, ce remède fut importé par les militaires qui y ajoutèrent de l'eau. La culture, la récolte et la distillation de cette plante firent la fortune des Pontissaliens nombreux à en faire le commerce. L’histoire de cette boisson devenue un mythe est parfaitement retracée au Musée de l’absinthe de Madame Marie Claude DELAHAYE à Auvers-sur-Oise. On visitera en même tant à Auvers le café et la tombe de VAN GOGH qui aimait en boire.

Georges Elie LANQUETIN, fils d'Ulysse l'horloger, crée en 1899 sa distillerie d'absinthe au 4, Grande Rue à Pontarlier. Georges LANQUETIN dépose (Journal officiel n° 790 du 16 mars 1899), une marque d'absinthe : "LA MÈME"... C'est bien trouvé car quand après une première tournée on demande "que reprendrez-vous ?" il est plus que tentant de dire "LA MÈME !".... Bravo l'astuce !

D’après la formule ci-dessous, l’absinthe Georges LANQUETIN contenait de la liqueur d'absinthe, de l'anis et du fenouil.

Sur la photo ci-dessous prise vers 1899 dont je possède le négatif sur plaque de verre, on voit la bouteille d’absinthe G. LANQUETIN et sa carafe. De gauche à droite : Georges Elie LANQUETIN, distillateur puis Marcel LANQUETIN, son fils alors âgé de 9 ans, un employé de la distillerie et Arnold FRAISSARD, beau frère du distillateur. Cette photo a été prise dans le jardin du 4 Grande Rue à Pontarlier près du Doubs.

La fin (provisoire) de l'absinthe en 1915

Les viticulteurs du midi, vers 1905, sont très mécontents de la concurrence de l'absinthe : moins chère, facile à produire et elle "vient de l'étranger" contrairement à notre bon vin rouge, bien de chez nous... Les clients sont nombreux et une "aura" un peu diabolique (cela attire !) entoure la fée verte. VERLAINE en parle, les peintres et les artistes en consomment, car ce n'est pas cher, moins qu’un verre de vin !

Malheureusement pour le commerçant franc-comtois, les députés des régions viticoles du midi de la France sont nombreux à l'Assemblée Nationale ! Ils jugent le vin une noble boisson conforme à notre passé gaulois, trouvent que l'absinthe est trop dangereuse et "n'est pas française". En 1915, l'absinthe est interdite par une loi (signée POINCARE). Malheur à ceux qui n'ont pas vu arriver le coup : ils ne sont pas indemnisés et sont ruinés. Georges LANQUETIN a eu du flair : il vend à temps sa marque et son commerce à la maison PERNOD de Pontarlier en 1912.

Je découvris, vers 1955, dans le merveilleux grenier de famille, la recette dans un petit carnet, des étiquettes, des buvards, le Journal Officiel de la déclaration, la carafe à absinthe, la photo de mon grand-père devant un verre de sa fabrication.

En 2007, une bouteille d'absinthe « G. LANQUETIN FILS » partiellement pleine fut vendue sur internet par le site "Musée virtuel de l'Absinthe » situé en Angleterre. Le vendeur eut la gentillesse de m’en faire parvenir 10 cc. Cent dix ans après sa fabrication, j’y goûtais sans eau !

Pour en savoir plus sur l'absinthe et nos ancêtres : https://georgeslanquetin.fr/absinthe/absinthe.htm

Georges LANQUETIN